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Un pas apres l'autre


"Elle représente son passé.


Il devient son avenir.


Aucune rencontre n'est liée au hasard.


Mais certaines peuvent sauver une vie…"






PROLOGUE



Southampton, NY



Johanna


Ce claquement si spécial que seul mon mari, Rick, provoquait lorsqu’il avait trop abusé de l’alcool, raisonna dans toute la pièce.

Mes poils s’hérissèrent.

Mon cœur s’emballa dans ma poitrine.

La peur faisait trembler mes mains.

Chaque pas le rapprochait de moi.

J’aurais voulu disparaître.

Me dissoudre immédiatement.

Ne plus exister.

Il fut un temps où la seule chose que je désirai après une longue journée était de le retrouver et de me plonger dans ses bras.

Tout avait changé aujourd’hui.

Il avait changé.

J’avais grandi avec lui.

Nous nous aimions.

Nous étions heureux.

Nous nous connaissions depuis la faculté.

Puis l’alcool était entré dans notre vie pour tout anéantir.

Ce furent d’abord les weekends pour accompagner nos moments de fêtes. Puis les weekends avaient laissé place au quotidien pour se détendre après une grosse journée ou suite à la moindre contrariété.

Ses plaisirs, comme il les appelait, étaient devenus de véritables addictions.

Il ne pouvait plus s’en passer.

Pas un seul jour.

Dès qu’il buvait, la colère s’emparait de lui et la violence survenait.

Les coups.

Les insultes.

Les dévalorisations.

Et ce soir fut l’une de ces soirées.

Je savais les reconnaître maintenant.

À sa façon de se mouvoir.

À sa respiration.

À son odeur.

Jetant sa veste, il s’affala sur le canapé et claqua ses talons sur la table basse que je venais tout juste de nettoyer. J’avais l’envie de lui dire d’enlever ses pieds, mais je savais que c’était impossible.

Cela faisait des années qu’il ne justifiait plus ses rentrées tardives et ses agissements.

— Qu’est-ce que je mange ? me demanda-t-il en s’approchant de moi pour m’attraper par la taille.

Le dégoût se propagea en moi.

Avoir ses doigts sur moi.

Sentir son haleine pestilentielle me donnait l’envie de vomir. Mais ce qui m’interpela ce fut une odeur. Celle d’une fragrance féminine qui me rappelait un parfum bien connu. Quand il commença à poser ses lèvres sur ma nuque, je ne pus m’empêcher de réagir :

— Ne me touche pas.

Ses doigts s’agrippèrent alors plus vigoureusement autour de mes bras. Il me retourna violemment pour me dévisager de son regard sombre.

— De quel droit tu me parles comme ça ?

— Tu es encore allé voir une de tes traînées et tu espères me toucher ?

Aussitôt, il m’attrapa par la mâchoire.

— Si tu te donnais davantage à moi, je n’aurais pas besoin de baiser d’autres femmes !

— Si tu ne rentrais pas ivre chaque soir, peut-être que tu me donnerais davantage envie.

— Tu crois pouvoir me faire des reproches ?

— Tu es trop ivre pour qu’on puisse discuter !

Ses yeux bleu azur étaient devenus noirs de rage.

Subitement, il me poussa et ma tête me cogna contre le mur sans que je ne puisse me protéger. Sonnée, je m’accrochai à la table pour ne pas tomber, mais il ne s’arrêta pas là. Les coups se mirent à pleuvoir. Dans mon ventre. Sur mes hanches. Sur ma poitrine. J’étais à terre, recroquevillée sur moi-même pendant que ses poings déferlaient sur moi.

J’étais brisée.

Seule la résonnance de ses soupirs se faisaient entendre.

Dans le plus grand des silences, mes larmes coulaient. Mes cris étaient étouffés pour ne pas réveiller mon fils qui dormait à l’étage.

Alors j’encaissais encore.

Encore.

Et encore…

Jusqu’à ce qu’il s’arrête à bout de souffle.

Je restai ainsi allongée sur le sol, espérant que ce soit terminé. Il me tira par les cheveux pour approcher sa bouche de mon oreille :

— Tu n’es qu’une merde voilà ce que tu es ! me cracha-t-il avant de me relâcher contre le carrelage froid, humide de sueurs et de sang. Tu crois que tu peux te refuser à moi ? Tu m’appartiens, je te l’ai déjà dit !

— Non, ne fais pas ça, suppliai-je.

Il dégrafa sa ceinture et retira le haut de mon pantalon, juste suffisamment pour me pénétrer violemment.

Les larmes m’étouffaient tandis qu’il me violait.

Je n’étais qu’un morceau de viande qui gisait au sol au grès de ses va et viens…

Peu importe mon désir, mon consentement et mes envies.

J’eus beau le supplier de ne pas le faire, il s’en fichait.

Il continua jusqu’à ce que son plaisir le submerge et il me relâcha.

Je pleurai lourdement de douleur tandis qu’il claqua la porte sans un regard vers.

Je n’en pouvais plus.

J’en avais marre.

Marre de cette vie.

Marre de souffrir.

Marre d’avoir mal.

Ce n’était pas la vie que je voulais.

Ça n’était pas supposé se passer comme ça.

Non sans mal, je me relevais et me rhabillais.

Marcher était un supplice.

Je m’effondrai sur le canapé et posai ma main sur ma bouche pour que mon fils ne perçoit pas mes pleurs et mes gémissements.

Je voulais que ça s’arrête maintenant.

Mais comment ?

Comment pouvais-je partir quand toute ma vie dépendait de Rick ?

Qu’est-ce que j’avais fait ?

Comment ma vie avait pu tourner de cette manière ?

J’étais une jeune femme pleine d’ambition et de talents.

Au lieu de poursuivre mes études, Rick m’avait convaincu de mettre tous mes projets entre parenthèse, à l’arrivée de ma grossesse.

De me consacrer à ma famille.

À mon mari.

À mon fils.

Après tout, Rick avait des revenus confortables.

Mais ce fut probablement ma plus grosse erreur.

Je n’avais pas de porte de sortie.

Je ne possédais rien.

Rien ne m’appartenait ici.

Je n’avais pas d’étude.

Pas de travail.

Pas d’expérience.

J’étais une mère et une épouse.

— Maman ?

À l’entente de la voix de mon fils, j’effaçais mes larmes sur mes joues. Non sans mal, je me redressai en contenant mon gémissement de douleur et cherchai le regard de mon fils. Ce dernier, dans son grand pull à capuche, ressemblait de plus en plus à un adolescent.

Âgé de quinze ans maintenant, il grandissait tellement vite. Il me dépassait maintenant de plusieurs centimètres. Avec ses cheveux bruns bouclés qu’il laissait volontairement pousser parce que c’était tendance, mais surtout parce que ça plaisait aux filles.

Il se transformait de jour en jour.

J’aimais le regarder.

Je pouvais le faire pendant des heures.

Il était bienveillant.

Drôle.

Affectueux.

Il était ma plus grande réussite.

Ma seule réussite…

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Rien, je… je suis tombée…

— C’était ça le bruit que j’ai entendu ?

— Oui, mentis-je tandis que je m’obligeais à me redresser pour rester en position assise.

Calant mon dos contre le dossier du canapé, je reprenais difficilement ma respiration. S’asseyant près de moi, il enroula son bras autour de mon épaule pour que je repose ma joue contre son épaule.

Mon fils était ma bouée de sauvetage.

Ma raison de vivre.

— Tu es sûre que ça va ?

— Tout va bien, lui mentis-je.

Je resserrai mes bras autour de lui.

— J’ai cru entendre papa, non ?

— Il est reparti, dis-je en déglutissant.

— Déjà ?

— Oui il… avait quelque chose à faire…

— D’accord, concéda-t-il quelque peu sceptique.

Jordan était grand maintenant.

Il était plus difficile de lui mentir.

— On monte dormir ?

J’en avais probablement plus besoin que lui et quelque chose me disait qu’il le savait.

Marcher me demander un effort considérable.

Je tentai de monter les escaliers, Jordan passa son épaule sous mon bras pour m’aider à m’avancer.

— Tu as mal ?

— Ça va aller, lui assurai-je avec un fin sourire.

Je montais silencieusement.

J’aurais tellement aimé qu’il garde son innocence.

J’aurais tellement voulu le protéger.

Erreurs des adultes.

Il méritait tellement mieux.

Mieux qu’un père absent, violent et alcoolique.

M’allongeant dans mon lit, il remonta la couverture sur mes épaules pour me maintenir au chaud.

Le voilà qui me berce maintenant, réalisai-je.

Touchée par sa prévenance, je le regardai des larmes plein les yeux.

— Maman, je sens bien qu’il se passe quelque chose.

— Arrête de t’inquiéter pour moi mon chéri.

Il serra les dents.

Il savait que je mentais.

— Et papa, il est parti où encore ?

— Je ne sais pas mon fils, admis-je. Il va rentrer probablement plus tard.

— Pourquoi est-ce qu’on ne le voit jamais ?

J’en avais assez de lui mentir et de prétendre que c’était lié au travail.

Ce n’était pas la vérité.

Il n’était pas là parce qu’il n’en avait pas envie.

Parce qu’il aimait sa liberté.

Une part de moi s’en attristait pour mon fils et pourtant je me réjouissais de son absence. Dès qu’il était là l’environnement devenait pesant et difficile. Je craignais tellement ses réactions que j’avais fini par préférer son absence.

Je m’apprêtai à lui répondre quand j’entendis un fracas à l’étage inférieur et la voix de Rick raisonna dans le salon.

— JOHANNA ! hurla-t-il totalement ivre. TU AS INTÉRÊT À DESCENDRE ESPÈCE DE PUTE !

Nerveusement, je demandai à mon fils de ne pas bouger.

Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine.

— Non maman, n’y va pas, je t’en supplie ! J’ai… j’ai peur.

C’était la première fois que je le voyais aussi terrorisé.

— Ne t’inquiète pas mon cœur, je reviens vite, lui soufflai-je avant de me diriger vers le couloir.

Chaque pas m’était douloureux.

En bas des escaliers, je le voyais devant la porte, sa ceinture entre les mains, les yeux exorbités de rage.

— TU ME TROMPES, C’EST ÇA ?

— Jordan est dans sa chambre arrête de crier comme ça, lui demandai-je d’une voix posée.


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