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BLACK ROSE Dawn of the Dead de Blathnat

BLACK ROSE Tome I Dawn of the Dead

Dawn O'Neal adolescente qui mène une vie tranquille à Oxford, en Angleterre. Orpheline de père, elle vit seule avec sa mère qui est artiste peintre. La jeune fille est en dernière année de lycée mais à peine l’année a-t-elle commencé qu’elle se fait renvoyer de son établissement après une violente dispute avec une de ses camarades. Elle se retrouve à Condover, une petite ville près de la frontière galloise. Mais la jeune fille se rend vite compte que quelque chose ne tourne pas rond : ses nouveaux camarades semblent la connaître alors qu’ils ne l’ont jamais vue de leur vie et son entrée à Condover High School marque le début d’une période remplie de vertiges et d’hallucinations. De plus, sa directrice la fait surveiller par son majordome et tient des propos étranges. Mais pourquoi ? Une des camarades de Dawn la prend très rapidement en grippe, soutenant qu’elle cache quelque chose. Dawn sympathise tout de même avec quelques personnes de sa classe, dont Genesis, avec qui elle partage sa chambre à l’internat. Lorsque Dawn étrangle une de ses camarades, toute la famille O'Neal est ébranlée. Cet incident marque le début d'une série de vertiges et d'hallucinations chez la jeune fille. Elle est aussitôt envoyée à Condover, dans un lycée pour adolescents spéciaux afin de pouvoir canaliser toute cette violence soudaine. Mais très vite, Dawn remarque que ses nouveaux camarades semblent la connaître alors qu'ils ne l'ont jamais vue de leur vie et elle soupçonne sa famille de lui cacher l'origine de ses maux. Que peut bien être ce secret si bien gardé par les O'Neal ?



Le Prologue et les deux premierx chapitres



Prologue

Tara, Irlande, 1er novembre 432.Samhain, fête religieuse celte qui ouvre la saison sombre. Parenthèse temporelle d'une semaine entre la nouvelle année et celle qui la précède. Lors de cette fête, la frontière entre les mortels et les dieux est plus floue, ce qui facilite la communication entre les deux mondes. Pour la célébrer, un roi décide d'organiser un grand banquet avec nourriture à foison, boissons, musique et rituels.Ce roi, Lóegaire, fait partie de la dynastie des Uí Néill, descendants de Niall Noigiallach et règne sur toute l'Irlande. On l'appelle le Ard rí Érenn, roi suprême.Lóegaire a une femme. Elle se prénomme Angas. On dit d'elle qu'elle est d'une beauté incroyable et d'une gentillesse sans pareille. Le roi adore sa femme. Il en est fou amoureux. Il a l'audace de la comparer à Eithne, déesse mère et représentation poétique de l'Irlande.Le couple royal a un petit garçon, un héritier au trône. Le petit Lugaid ne sait pas encore se tenir assis sans l'aide de sa mère mais il est déjà coquin, éveillé et vaillant. Tout le village considère cette naissance comme un cadeau du ciel car Angas a eu du mal à tomber enceinte après son mariage. Les villageois s'étaient inquiétés. Si le roi mourrait sans descendant, qu'adviendrait-il de la nation ?Tout le monde s'est installé autour d'une très longue table. Le roi et sa femme, ainsi que leur fils, sont au bout, ils surplombent ainsi toute la tablée.Avant le début du banquet, le roi s'est levé avec un verre à la main pour faire un discours. Il a remercié les dieux pour lui avoir offert le trône ainsi que de bonnes récoltes pendant la saison claire, a fait l'éloge de sa femme et a montré son fils potelé.Le banquet est un succès, chaque villageois mange ce qu'il veut, autant qu'il le veut. Il y en a même un peu trop.La fête bat son plein. Les gens dansent sous les arbres, autour du feu, sur la table. Ils se laissent transporter par la musique, imbibés d'alcool.Au bout d'un moment, Lóegaire commence à chercher sa femme. Il aimerait danser avec elle et leur fils, et profiter de la fête avec eux. Il parcourt la foule de villageois, à la recherche de sa famille. Il aperçoit deux ombres sous un orme alors, il va voir. Il se dit que c'est sûrement deux jeunes gens qui batifolent et qu'ils ont peut-être vu sa femme.Au lieu de laisser les deux personnes tranquilles, il s'approche de l'arbre. Il reconnaît sa femme. Elle est avec l'apprenti forgeron, qui doit avoir quinze ans de moins qu'elle. Elle tient Lugaid dans ses bras. Angas et l'apprenti forgeron discutent et rient ensemble. Pourquoi ont-ils l'air si joyeux ? Et que font-ils tous les deux ?Angas tend alors les bras vers l'apprenti forgeron pour lui donner le bébé. C'est à ce moment-là que Lóegaire comprend. Le bébé n'est pas le sien. L'apprenti forgeron n'est pas qu'un minot pour Angas. Il est son amant. Et Lugaid est leur bébé.Angas lui a menti. Elle lui a fait croire que ce bâtard était son fils. Elle lui a fait croire qu'elle l'aimait alors qu'en fait...En fait, elle en aime un autre. Ils ont eu un enfant ensemble.Lugaid n'est pas son fils.Lóegaire reste planté devant la scène qui se joue devant lui. Il n'en croit pas ses yeux. Il meurt d'envie de se jeter sur l'apprenti forgeron, de lui broyer les os de ses propres mains et de tuer Angas juste après. Comment a-elle osé lui faire ça ?Il entre dans une colère noire. Mais il est si triste en même temps. Il part se réfugier plus loin. Il se met à l'écart, vers l'endroit sacré où les druides vivent.Le roi est en colère. Très en colère. Il fait les cents pas dans la nature, rumine. Il faut qu'il lave son honneur sans faire trop de bruit. La situation du royaume est déjà assez compliquée avec l'arrivée de Patrick. Lóegaire ne veut pas rajouter plus de problèmes à son pays. Il doit se venger. Il ne faut pas qu'il laisse cette tromperie impunie. Il est le roi et tout le monde, y compris sa femme lui doit obéissance et respect.Alors il décide de demander conseil aux dieux. Samhain est le moment parfait. C'est la seule période de l'année où les humains peuvent communiquer avec les dieux. Mais Lóegaire est tellement en colère, il a tellement de rancune en lui qu'aucun dieu ne vient à lui. Il continue quand même en se disant qu'il n'a peut-être pas prié assez fort. Mais les dieux ne viennent pas. Le roi les blâme en disant qu'ils sont ingrats.Après cela, quelque chose se matérialise devant lui. Une grande silhouette, longiligne, toute blanche et flottant dans l'air. La première chose qui frappe le roi est l'odeur infecte qui se dégage de la silhouette. Elle pue la bête crevée, le cadavre. Elle a un grand drap blanc qui recouvre tout son corps, on ne peut distinguer que son visage squelettique et tout blanc lui aussi, et ses mains. Comme je l'ai dit, son visage est entièrement blanc et granuleux, comme s'il était recouvert de farine. Ses yeux sont de grands trous noirs. Il y a deux petits trous pour le nez mais il n'y a pas de bouche. Le roi a mal au cœur en voyant le grand spectre devant lui. Il a très envie de vomir et il lui semble que sa poitrine se broie.Le fantôme a des mains aussi pâles que son visage et elles ont de longs doigts crochus très laids et cagneux. Les doigts sont tellement longs qu'ils sont inhumains, ils ressemblent à des petites branches d'arbre. Ils n'ont pas d'ongles. Les doigts ne sont que de longs et interminables morceaux de peau recouvrant un os.C'est un esprit malsain qui se nourrit d'énergies négatives et qui tire toute sa force dans la colère et la jalousie. C'est pour cette raison qu'il apparaît quand les gens ressentent de mauvaises choses. Il provoque une haine viscérale qui peut se transformer en pulsions meurtrières dans le pire des cas.Lóegaire s'agenouille à ses pieds, suffoquant. L'odeur et la douleur sont insupportables. Il demande au fantôme de venger son honneur.L'ectoplasme accepte. Mais ce n'est pas gratuit, il veut quelque chose en retour. Lóegaire lui propose tout ce qu'il a : son or, ses terres, sa couronne et même son âme s'il le faut. Mais tout ça n'intéresse pas le démon. Il veut autre chose. Il veut la femme et le petit bâtard. Le roi lui dit « Très bien ! Prenez ce que vous voulez ! ». Le fantôme propose alors un marché. L'honneur du roi contre la descendance de Lugaid.Mais Lóegaire veut savoir ce que le fantôme désire exactement. En fait, Lóegaire doit vendre le sang du fils d'Angas. S'il accepte le contrat, Lugaid appartiendra alors au fantôme ainsi que sa descendance.Donc...Le petit garçon s'était endormi. Sa maman, assise sur le rebord du lit, se leva et tira la couverture pour border son fils. Elle se pencha pour lui faire un bisou sur le front et lui chuchota qu'elle lui raconterait la suite de l'histoire.Elle n'en aura jamais le temps




Chapitre 1

Au commencement

Oxford High School, 16 septembre 2013.

— Vous savez pourquoi vous êtes là, n'est-ce pas ?

La voix forte et rauque de la directrice de la Oxford High School, typique des fumeurs, résonna dans son bureau. Le ton était sec et autoritaire.

Dawn O'Neal, Irlandaise de dix-sept ans, se trouvait assise en face d'elle. Elle avait été convoquée après une petite altercation avec l'une de ses camarades de classe et sa mère, artiste peintre, l'avait rejointe après l'appel du lycée.

La jeune fille louchait sur ses pieds, silencieuse et inquiète. Elle sentait la pression sur ses épaules. Elle se doutait bien que sa directrice attendait une réponse mais elle ne savait pas quoi lui dire pour se justifier. Ce qui était sûr, c'était qu'elle allait passer un mauvais quart d'heure et qu'en rentrant, elle allait se faire sermonner par sa mère.

Il régnait un silence funèbre dans la pièce. Les regards de sa mère et de la directrice étaient pesants, écrasants et insistants. Elle se sentait comme une condamnée à mort, jugée pour son crime. Mais qu'avait-elle fait au juste ? Une bagarre, ça arrive.

Le tic-tac de l'horloge lui tapait sur les nerfs. Il l'empêchait de réfléchir. Qu'allait-elle répondre pour expliquer ses actes ? Cela allait être compliqué.

Avant que sa mère n'arrive, Dawn avait tout raconté à la directrice. Les flashs, le visage... et cette colère qui avait surgi d'un seul coup, sans prévenir. La femme l'avait écoutée attentivement mais n'avait eu aucune réaction. Dawn ne savait donc pas ce qu'elle avait pensé de son histoire. Est-ce qu'elle m'a crue au moins ?

Les deux femmes attendaient impatiemment que l'adolescente leur fournisse une réponse.

— Bon, comprenez bien Madame O'Neal, que je ne peux tolérer un tel comportement de la part d'une de mes élèves.

Dylan O'Neal se contenta de hocher la tête, désemparée. Elle ne comprenait pas pourquoi sa fille était devenue violente. Cela ne lui ressemblait pas. Elle ne s'énervait jamais sans raison. Elle ne s'était jamais emportée, en réalité. Il devait y avoir quelque chose là-dessous.

— C'est la première fois que je fais un pas de travers ! J'ai jamais causé de problème, je suis calme en cours et j'ai de bonnes notes, intervint Dawn pour se défendre.

Parce qu'elle savait très bien ce qui l'attendait.

La directrice du lycée rejoignit ses mains en entrecroisant ses doigts et se pencha légèrement en avant, prenant appui sur ses avant-bras. Elle prit une voix sévère et dure.

— Vous avez étranglé votre camarade, Miss O'Neal, siffla-t-elle. Il s'en est fallu de peu pour qu'elle perde connaissance (la mère de Dawn laissa échapper un cri de stupéfaction). Vous avez de la chance que j'ai réussi à convaincre les parents de ne pas vous poursuivre en justice.

Elle se recula et s'enfonça dans son fauteuil.

— Le contraire aurait été une catastrophe pour le lycée, soupira-t-elle. J'ai une réputation à tenir.

— Mais je vous dis que...

Dawn fut coupée par sa chef d'établissement.

— Oui, je sais. Vous avez vu un visage qui pleurait du sang et qui vous a sifflé dans les oreilles, dit-elle d'une voix dédaigneuse tout en tournoyant une de ses mains en l'air. D'ailleurs, j'aimerais parler à votre mère. Seule à seule.

Elle fit un geste à la jeune fille, lui faisant comprendre qu'elle devait sortir. Ce qu'elle fit. Il y eut un petit moment de silence avant que Dylan ne prenne la parole.

— Écoutez, je...

— Désolée Madame mais je ne peux pas la garder. Il faut la placer dans un endroit qui saura gérer cette violence. Elle n'a plus sa place ici.

— Je ne vais quand même pas la mettre dans un centre de redressement ! C'est la première fois qu'elle a un comportement perturbateur, elle n'est pas du genre violent, vous le savez aussi bien que moi ! Et je vous assure que je ne comprends pas plus que vous.

La directrice avait à présent une voix plus calme et plus douce, avec une pointe de pitié. Elle articula chaque mot pour que son interlocutrice comprît bien ce qu'elle s'apprêtait à lui dire. Cela n'allait pas être facile à entendre.

— Madame O'Neal, votre fille a des hallucinations qui la conduisent à des réactions très violentes et quasi meurtrières. Ce genre de comportement ne relève pas des compétences d'un camp de redressement mais d'un hôpital psychiatrique.

À la fin de sa phrase, elle s'empara d'un Post-it, d'un stylo et y griffonna quelque chose.

— Voici un lycée qui pourra vous aider. En consultant le dossier de votre fille, j'ai remarqué qu'elle s'en sortait particulièrement bien dans les matières artistiques. Là-bas, elle pourra canaliser son énergie dans la création tout en terminant ses études dans le secondaire. C'est un établissement fait pour les gens comme Dawn.

Comment ça « Des gens comme Dawn ? »

Pendant que la directrice parlait, la mère de Dawn s'était levée en mettant son sac à l'épaule et avait marmonné qu'elle pouvait s'en charger toute seule. Elle était légèrement outrée par le fait que la femme qui se trouvait en face d'elle venait de sous-entendre que sa fille était folle.

La directrice lui avait tendu le Post-it et insista pour qu'elle le prenne.

— Je peux vous donner de la documentation gratuite si vous le souhaitez, proposa la vieille femme en pointant du doigt une table basse recouverte de prospectus.

Dylan considéra le petit papier vert fluo pendant un instant et finit par le prendre.

— Faîtes le nécessaire, ajouta la femme.

Madame O'Neal rejoignit sa fille qui attendait dans le couloir, assise sur une chaise près de la porte.

Dawn et sa mère étaient dans la voiture, sur le chemin du retour. Elles ne s'étaient pas dit un mot depuis leur départ du lycée. La jeune fille savait quand sa mère était soucieuse. Ses mains étaient crispées sur le volant, elle se mordait la lèvre inférieure et elle fronçait les sourcils sans s'en rendre compte.

Dylan cogitait dans son coin. Ce que lui avait dit la directrice à propos des visions de sa fille la préoccupait. Si Dawn avait effectivement vu ce qu'elle avait dit, c'était mauvais signe. Le début de la fin. Elle ne pouvait pas prendre le risque d'attendre le jour où sa fille abandonnerait, épuisée par son combat contre elle-même.

Jusque-là, elle avait fait en sorte que sa fille soit bien, loin de toute violence. Mais elle savait que cela n'avait fait que retarder les premiers signes. Rien que de penser qu'il fallait en avoir le cœur net, elle ressentit des palpitations. Elle brisa le silence.

— Qu'est-ce que tu as vu exactement ?

Dawn regarda sa mère. Comme si elle allait me croire...

- Hum... je l'ai pas vu à proprement parler mais c'était comme des flashs. Ça faisait comme des images qui disparaissaient aussi vite qu'elles étaient apparues. Genre des spasmes visuels, tu vois ? J'ai eu froid à un moment et c'est seulement après que j'ai pu distinguer des trucs. Y avait un visage blanc sans yeux. J'avais les oreilles qui sifflaient, j'entendais plus que ça mais en même temps, je pouvais entendre mon cœur battre dans ma tête, c'était bizarre. J'avais mal au cœur aussi, comme si on me le pressait. Et je ne sais même pas pourquoi je me suis jetée sur cette pauvre fille. Elle m'avait fait une remarque mais rien de méchant. Y’avait pas de quoi s'énerver. Et pourtant j'ai failli la tuer.

Dawn avait prononcé le dernier mot comme si elle venait de réaliser ce qu'elle venait de faire, ce que cela signifiait et ce que cela aurait signifié si personne n'avait été là pour lui arracher les mains du cou de cette fille.

Et sa mère ne put répondre qu'un petit « d'accord ». Elle ne savait pas quoi dire d'autre. Elle ne savait pas comment lui expliquer sans lui faire peur. Et lui dire la vérité à ce moment n'était pas une bonne idée.

Ses inquiétudes se confirmèrent. Dawn n'allait pas rester elle-même très longtemps. Ce n'était plus qu'une question de temps. Mais justement, combien de temps allait-elle rester dans cet état ? Quand cela allait-il éclater pour de bon ?

Dès qu'elles furent rentrées, Dawn courut dans sa chambre pour être sûre de ne pas se faire sermonner par sa mère. Cette dernière s'installa dans la cuisine, Post-it en main. Elle le faisait tournoyer entre ses doigts, le regard perdu. Devait-elle appeler ou non ? De toute façon, personne ne pouvait rien pour Dawn. On pouvait juste reculer le moment fatidique.

Condover Hall School. Dylan sortit de son sac un dépliant qu'elle avait pris avant de partir. Elle zieuta les informations qu'il y avait dedans et hésita un petit instant avant de composer le numéro qui se trouvait au dos.

07 octobre 2013, 07:49 a.m.

Dawn était dans sa petite chambre, assise au bord de son lit confortable, face à sa fenêtre. Elle triturait ses longs cheveux cuivrés qui descendaient jusqu'en bas de son dos. Le soleil se levait, inondant la ville de sa lumière rose orangée. La jeune fille était éblouie. Elle n'aimait pas le soleil. Il lui faisait mal aux yeux. Elle préférait l'ambiance cosy et chaleureuse du mauvais temps. Les orages la berçaient et la pluie lui donnait envie d'aller danser dans la rue.

Le soir après sa convocation chez la directrice de son lycée un mois auparavant, sa mère lui avait annoncé la nouvelle. Elle changeait de lycée. Cela voulait dire qu'elle allait devoir quitter ses amies, trouver de nouveaux repères, de nouveaux endroits où se sentir bien. Elle n'avait pas eu son mot à dire.

Sa mère l'envoyait dans un lycée à plus de deux heures de chez elle. Il était à Condover, à l'ouest du pays, près de la frontière Galloise. Dawn avait été voir sur le site internet du lycée. Ça ressemble à une école de bourges. Non, en fait ça ne ressemble même pas à un lycée.

Les frais d'inscriptions étaient mirobolants. Il y en avait au moins pour le double de ce qu'avait valu son inscription au lycée pour filles d'Oxford où elle était. Comment sa mère avait-elle fait pour payer ? La jeune fille ne comprenait pas. Pourquoi choisir un lycée qui était plus loin et plus cher ?

Elles avaient rempli ensemble le dossier d'inscription. Dawn allait donc passer une année à étudier la musique et le français ainsi que l'histoire, la philosophie et la littérature anglaise classique, matières obligatoires pour passer le diplôme final. Sa candidature avait été rapidement acceptée. Un peu trop à son goût. Comme si le lycée l'attendait déjà. Était-ce le cas ?

Et sa mère... elle se comportait d'une manière étrange depuis le rendez-vous. Que lui avait dit la directrice lorsqu'elle était sortie du bureau ? Pourquoi n'avait-elle pas voulu que la jeune fille entende ce qu'elle avait à dire ?

Ce soir-là, avant d'aller se coucher, Dawn s'était rendue sur Google Earth pour avoir un aperçu des alentours de son nouveau lycée. Elle avait été stupéfaite et intriguée à la fois de constater que l'établissement n'était entouré que de champs et qu'en réalité Condover n'était qu'un petit village. Elle s'était attendue à autre chose. À un lycée réputé et bien placé, dans une ville assez importante. Mais rien de tout ça. Que des champs à perte de vue. Pourtant cela ne la dérangeait pas tant que ça. Elle avait l'habitude de passer du temps dans le manoir de son oncle à Bantry, dans le comté de Cork en Irlande. Le manoir était reculé, à l'écart de la ville, il bordait la baie. La campagne, elle connaissait.

Sa mère apparut dans l'encadrement de la porte, derrière elle. La jeune fille n'avait pas remarqué son reflet dans la vitre.

— Tu es prête ma chérie ? demanda Dylan.

Dawn sursauta légèrement et se tourna vers sa mère. Elle hocha brièvement la tête.

— Alors on y va, ajouta sa mère en partant.

Elle se doutait bien que la situation n'était pas simple pour sa fille mais elle avait pris la bonne décision. C'était ce qu'il y avait de mieux pour elle. Pour la protéger.

Le portable de la jeune fille bipa. Elle le sortit de son sac. Un message de Colleen, sa meilleure amie. « Tu vas me manquer sale rousse <3 ». Dawn sourit et lui répondit rapidement. Elle rangea son portable, saisit sa valise et sa guitare et rejoignit sa mère dans la voiture.

Dawn et sa mère étaient en route pour Condover. Comme elles n'étaient pas bavardes en voiture, Dylan avait allumé la radio et chantonnait les chansons qui lui plaisaient. Quant à Dawn, elle était affalée dans son siège, le coude sur le rebord de la portière et la joue appuyée au creux de sa main. Ses pensées se perdaient dans sa tête. Elle se posait beaucoup trop de questions. Surtout en ce qui concernait les frais d'inscriptions.

Dylan ne roulait pas sur l'or, malgré la fortune de son mari décédé. Elle avait justement gardé cet argent pour pouvoir payer les frais de l'ancien lycée de sa fille. Mais cette fois-ci, comment avait-elle fait ? Dawn espérait que sa mère n'avait pas fait d'emprunt à la banque. Je veux pas qu'elle s'endette à cause de moi. La jeune fille voulait en avoir le cœur net.

— Ç'a du coûter super cher tout ça... commença-t-elle.

Sa mère ne quitta pas la route des yeux. Comme elle ne répondit pas, Dawn posa la question.

— T'as fait comment ?

— Ça n'a pas d'importance. Le principal est que tu sois bien et en sécurité.

En sécurité ? Mais de quoi ?

Maman...

Dylan souffla un coup.

— J'ai vendu un tableau, voilà, avoua-t-elle.

— Ah bon ? s’étonna la jeune fille. Mais il me semble que t'as pas peint ces derniers temps, si ?

— C'était un vieux tableau.

Dawn n'avait pas le souvenir que sa mère faisait la collection de ses propres tableaux. La plupart du temps, elle les vendait au fur et à mesure.

— C'est lequel ? Je l'ai déjà vu ? demanda-t-elle.

— C'est la scène d'étude, répondit Dylan sans lui adresser un regard.

Parce qu'elle savait comment allait réagir sa fille. Cette dernière connaissait l'histoire de ce tableau. Elle savait ce qu'il représentait.

Dylan avait peint sa rencontre avec le père de sa fille. Elle le lui avait offert pour leur premier anniversaire. Ce tableau était lourd de sens, symbolique. Après la disparition de son mari, elle l'avait gardé en guise de souvenir. Valeur sentimentale.

Dawn s'offusqua.

— Comment t'as pu vendre ce tableau ? C'était à Papa ! Tu m'avais promis que t'y toucherais pas ! J'arrive pas à croire que t'ai fait ça.

Edward O'Neal avait disparu lorsque l'adolescente n'était âgée que de cinq ans. La petite famille habitait à Oxford depuis quelques années déjà. Un matin, il était parti travailler et il n’était jamais revenu. Dylan n'avait prévenu personne car la famille de son mari avait des relations tendues avec les forces de l'ordre et elle n'avait pas voulu créer d'autres problèmes. Au bout de quelques semaines, Edward n'était toujours pas revenu alors Dylan avait organisé des funérailles, le pensant mort. Elle avait élevé son enfant quasiment toute seule avec Jack, son beau-frère, qui avait jeté son dévolu sur la petite fille.

— Je n'avais pas le choix ! S'écria la mère. Je veux ce qu'il y a de mieux pour toi alors je fais comme je peux. Et qu'est-ce que tu aurais voulu, hein ? Qu'on déménage ? Et pour aller où ? En même pas un mois on n’aurait rien trouvé. Crois-moi, j'aurais préféré le garder, ce tableau.

— Bah oui, dis que c'est de ma faute aussi tant que t'y es, rétorqua Dawn.

La jeune fille se tourna légèrement vers la vitre et fit des dessins sur la buée. Sa mère avait mis le chauffage à fond dans la voiture et il faisait vraiment trop chaud. Dylan soupira, désolée.

— Dawn... ce n'est pas ce que j'ai voulu dire (elle jeta un coup d’œil vers sa fille). Excuse-moi. C'est juste que... je pouvais pas faire autrement. Te laisser à Oxford n'aurait fait qu'empirer les choses.

— Et t'étais obligée de m'envoyer si loin ?

— Non, j'aurais pu te mettre dans un autre lycée de la ville ou à Londres. Mais je pense que cette dernière année à créer te fera du bien. Tu es douée pour ça.

La jeune fille ricana.

— Oui, créer les emmerdes.

Dylan allait répondre quelque chose mais elle préféra se taire. Elle était sur le point de s'avancer sur une pente dangereuse. Lorsque Dawn commençait à se rabaisser, elle devenait un mur. Impossible de la convaincre du contraire. Aucun argument ne passait. Elle était bornée. Persuadée qu'elle ne devait pas être là, qu'elle était une erreur ambulante et elle se rendait coupable de tous les problèmes de sa mère et des autres. Dylan avait mis quelques années avant de comprendre que cela ne servait à rien de discuter avec elle dans ces moments-là. Elle avait fini par abandonner et elle s'était résignée à jeter l'éponge dès que sa fille râlait contre elle-même.

Cela faisait à peine trente minutes qu'elles étaient parties. Le trajet s'annonçait long. Très long. Dawn ne pouvait plus supporter cette chaleur. Elle retira tant bien que mal son manteau, baissa un peu le chauffage et ouvrit sa fenêtre. Elle avança son visage pour capter l'air. Un sourire s'esquissa sur ses lèvres et elle ferma les yeux pour savourer cette bouffée d'air froid qui lui fouettait le visage. Elle revivait.

Mais elle était tout de même nerveuse. Elle avait été prendre quelques informations sur son nouveau lycée mais rien ne lui disait comment cela allait se passer. Si elle allait être bien intégrée dans sa classe. Si elle allait se faire de nouveaux amis. Et si je reste toute seule toute l'année ? Si j'ai pas d'amis ? Elle rouvrit les yeux à cette idée et referma sa vitre. Elle tenta de se rassurer. C'est internat obligatoire alors je vais forcément sympathiser avec des gens quand même... et si elle pétait les plombs là-bas, comme à Oxford ? Ce genre de crise ne lui était jamais arrivé jusqu'au mois précédent. Elle ne savait pas pourquoi elle avait réagi de cette manière. Et cela lui faisait peur. La directrice de son ancien lycée avait peut-être raison. Si personne n'avait été là pour les séparer, elle aurait peut-être tué la fille. Est-ce que j'en aurais été capable ? Et maintenant ? Est-ce que je pourrais recommencer et aller jusqu'au bout ?

Le pouls de la jeune fille s'accéléra et elle eut subitement du mal à respirer. Elle manquait d'air. Il fallait qu'elle sorte de la voiture. Elle se cramponna au siège en essayant de reprendre sa respiration.

— Tu veux que je m'arrête ? demanda sa mère.

Dawn hocha la tête. Elle s'était mise à pleurer et son cœur s'emballait de plus en plus. Elle se sentait prise au piège, étouffée. L'habitacle de la voiture lui parut minuscule, comme si la carrosserie se resserrait sur elle. Même en ouvrant la fenêtre, cela ne suffisait pas. Sortir. Il fallait qu'elle sorte.

Dylan s'arrêta à la première occasion. À peine le moteur coupé, Dawn déboucla sa ceinture et sortit en panique de la voiture.

— Et ton manteau ? lui cria sa mère.

Dawn continua de marcher. Elle faisait les cents pas près de la voiture. Prenait des longues inspirations, expirations. Laissait l'air vif remplir ses poumons et aérer son cerveau. Et elle finit par s'asseoir sur une bordure. Elle ramena ses genoux vers elle, posa ses coudes dessus et appuya sa tête sur ses mains. Elle ferma les yeux et continua son exercice de respiration. Inspiration, expiration. Inspiration, expiration.

Sa mère s'impatientait.

— Dépêche-toi, on va être en retard !

L'adolescente leva les yeux au ciel. Elle était en panique totale et c'était tout ce qu'elle trouvait à dire ? « On va être en retard » ? Elle se releva, essuya ses larmes avec le revers de la manche de son pull et remonta dans la voiture.


Chapitre 2

Condover Hall School

Après deux longues heures et vingt minutes de trajet silencieux, le lycée était enfin indiqué sur les panneaux routiers. Quelques virages plus tard, Dylan s'engagea dans un chemin recouvert de gravier blanc et poussiéreux.

Le chemin était bordé par du gazon bien vert de chaque côté, chatoyant et parfaitement tondu. C'était le genre d'herbe moelleuse dans laquelle on aimerait s'allonger, faire une sieste à l'ombre d'un grand chêne ou regarder le ciel et essayer de deviner la forme des nuages.

Dawn aurait parié qu'aucun brin d'herbe ne dépassait. Dans ce gazon se dressaient des buissons parfaitement taillés eux aussi. En forme d’œuf. Ils étaient à l'ombre de grands sapins et autres arbres ornementaux.

La voiture des O'Neal déboula devant l'entrée du lycée. La bâtisse était plus imposante et majestueuse que Dawn ne l'avait imaginée. Elle s'élevait sur trois niveaux. Le rez-de-chaussée et deux étages.

C'était un magnifique bâtiment en grès qui appartenait aux Condover, famille fondatrice de la ville. Catherine Condover, fille unique et dernier membre de cette famille, en avait hérité à la mort de ses parents. Elle n'avait su que faire de tout cet espace alors elle avait décidé de le transformer en lycée et d'en devenir la directrice.

Construit à l'ère élisabéthaine, le manoir en présentait les caractéristiques architecturales. Haute façade crénelée et carrée qui rappelait l'architecture militaire des châteaux médiévaux, grandes fenêtres à meneaux et deux tours, légèrement plus avancées que le reste du bâtiment, s'élevaient de part et d'autre de la bâtisse. Plusieurs conduits d'anciennes cheminées transperçaient le toit.

Dylan descendit de la voiture en claquant la porte et se dirigea vers le coffre pour en sortir les affaires de sa fille. Celle-ci décida de pointer le bout de son nez. Elle n'eut pas l'idée d'aller aider sa mère. Elle s'appuya contre la portière et huma l'air. Il faisait tellement froid que cela lui brûlait les narines. Elle expirait par la bouche, faisant ressortir de la fumée. Elle enfonça ses mains dans les poches de son manteau qu'elle avait pris soin de remettre avant d'aller dehors.

Le paysage était magnifique, les petits oiseaux chantaient, les environs étaient calmes. Un petit coin de paradis.

Un bruit l'extirpa de ses pensées. La grande porte en chêne s'ouvrit et un homme, tout sourire, vint à leur rencontre. Il devait avoir une quarantaine d'années, les cheveux grisonnants, le visage carré et joyeux et l’œil pétillant. Il était affublé d'un smoking. Chemise, nœud papillon et gilet blancs, veste noire en queue-de-pie, pantalon droit noir et Richelieu aux pieds. Il était grand et large d'épaules.

Dawn donna un petit coup de coude à sa mère pour attirer son attention.

— T'as vu ? Il est habillé comme un majordome.

Sa mère lui ordonna de se taire avec un « chut ! » sec et autoritaire.

L'homme était devant elles. Il souriait tellement qu'on pouvait voir ses dents parfaitement alignées. Il s'inclina et s'adressa aux deux femmes avec un accent canadien.

— Bonjour Mesdames, je suis David Johnson, se présenta-t-il d'un air guilleret.

Il leur serra la main.

Dawn fut surprise par sa poigne ferme et volontaire. Il avait des mains aussi larges que ses cuisses. Des mains puissantes, masculines et entreprenantes.

— Besoin d'aide ? ajouta-t-il en faisant un geste vers la valise et la guitare posées près d'eux.

Dawn et sa mère échangèrent un regard et essayèrent de balbutier quelque chose. Mais Monsieur Johnson n'attendit pas leur réponse. Il s'était déjà penché vers les affaires de Dawn. La valise dans une main et la guitare dans l'autre, il invita la jeune fille à le suivre.

Dawn se tourna vers sa mère et l'enlaça.

Dylan plongea son nez dans les cheveux cuivrés de sa fille et renifla l'odeur d'amande douce qui en émanait. Elle la serra plus contre elle, comme pour mettre une partie de sa fille en elle. Elles n'allaient plus se voir pendant un moment et même si Dylan avait l'habitude de laisser sa petite Dawn aller et venir comme bon lui semblait, elle avait toujours un pincement au cœur. Le déchirement d'une mère qui laisse son enfant voler de ses propres ailes.

Mais cette fois-ci, c'était différent. Elle était triste de se séparer de Dawn mais elle savait que dans ce lycée elle allait être en sécurité. Elle savait qu'ici elle ne risquait rien, qu'on allait s'occuper d'elle.

Elles s'écartèrent l'une de l'autre. Dawn adressa un bref sourire à sa mère avant de rejoindre Monsieur Johnson.

Dawn attendait dans le hall lumineux de son nouveau lycée. Monsieur Johnson avait pris congé et s'était dirigé vers l'aile sud.

Elle prenait appui sur une de ses jambes, les bras ballants et les mains croisées devant elle. Elle découvrait ce qui l'entourait. Les plafonds étaient hauts, les escaliers en bois et majestueux. Ils encadraient une grande baie vitrée dont les carreaux étaient des vitraux bleus, verts et noirs. Que cachait cette porte ?

Les escaliers menaient à l'étage. Il y avait comme un petit balcon qui permettait d'avoir une vue sur le vestibule lorsque l'on était au premier.

Le sol du hall était en marbre blanc. Les armoiries du lycée figuraient au centre. Un écu anglais bleu nuit, anguleux et à sommet prolongé en pointes horizontales avec le contour surligné d'un liseré doré. À l'intérieur de cet écu se trouvaient trois corbeaux noirs placés de façon triangulaire, formant ainsi le blason de Condover Hall School. L'écu était bordé par une couronne de lierre vert dont les branches partaient du bas et venaient passer par-dessus les angles supérieurs, comme s'il était pris au piège. En dessous, le ruban jaune où était écrit en noir la devise du lycée. Mais Dawn n'arrivait pas à lire. Elle se rapprocha et plissa les yeux pour mieux voir. « You are your own and worst enemy » en calligraphie anglaise.

La jeune fille eut un mouvement de recul face à cette phrase. Fronça les sourcils.

Des bruits de talons hauts se firent entendre. Ils se rapprochaient. Quelqu'un venait. Dawn se tourna sur sa gauche. Johnson revenait accompagné d'une femme de cinquante ou cinquante-cinq ans, perchée sur des escarpins en cuir vernis noir. Elle était habillée d'une jupe crayon noire à taille haute et d'une chemise blanche rentrée dans la jupe. Ses cheveux blond cendré retombaient sur ses épaules en un brushing parfait. Sa frange, rabattue sur le côté gauche, venait lui chatouiller le front.

Elle sourit chaleureusement.

— Bienvenue, Dawn. J'espère que le lycée n'a pas été trop dur à trouver.

La jeune fille tiqua.

— Euh... non, ça a été. Mais... comment vous me connaissez ? Vous ne m'avez même pas demandé mon nom.

La directrice ne dit rien. Son regard était malicieux et mystérieux. Elle détourna la question.

— Suivez-moi, je vais vous faire une petite visite de l'établissement avant que vous n'alliez chercher votre emploi du temps et tout le reste au secrétariat.

Elle invita la jeune fille d'un geste de la main. Elle tendit le bras vers l'endroit d'où elle venait.

Johnson avait continué sa route jusqu'aux affaires de Dawn et les avait emmenées à l'étage supérieur.

Catherine et Dawn s'avancèrent vers leur gauche. Les talons claquaient sur le marbre et le bruit résonnait dans tout le couloir. Dawn imaginait les ondes aller se cogner et rebondir contre les murs.

Le couloir était tellement long que Dawn eut l'impression qu'il ne se terminerait jamais. De chaque côté, des portes séparées à intervalles réguliers. Une grande fenêtre recouvrait le mur du fond et le couloir semblait repartir vers la gauche, formant alors un L à l'envers.

Les sculptures des boiseries murales étaient d'une précision étonnante.

Elles se trouvaient à présent face au petit renfoncement du couloir, devant l'immense fenêtre.

Condover leva le menton en direction de la porte en face d'elle. Une plaque dorée y était vissée.

— Voici mon bureau, déclara-t-elle.

Elle continua de parler tandis qu'elles retournaient sur leurs pas.

— Sur ce niveau, ce sont les salles d'histoire-géographie, littérature et langues. Dans cette aile, les salles sont indiquées par la lettre A et les salles de l'autre aile, où se trouve le secrétariat, par la lettre B. Il y a le même système pour les salles qui se trouvent au premier étage. Elles sont réservées aux matières artistiques. Photographie, musique et arts plastiques.

Catherine et Dawn s'étaient arrêtées dans le hall. Pile sur les armoiries.

— Le secrétariat se trouve au fond du couloir à votre droite, ainsi que l'infirmerie. Si vous avez des questions c'est...

Dawn lui coupa la parole.

— Et la porte aux vitraux ? Y a quoi derrière ? demanda la jeune fille en tendant le bras pour montrer quelque chose qui se trouvait derrière Madame Condover.

Cette dernière sourit et se dirigea vers la porte. Elle fit un signe de tête pour inciter Dawn à venir avec elle.

La jeune fille s'approcha et se retourna comme pour vérifier que personne ne la suivait. Son regard s'arrêta sur l'énorme dessin au sol. Sa vue se brouilla. Sa tête se mit à tourner et elle eut la sensation d'avoir ses tripes aspirées. Elle ferma les yeux un instant, le temps que son vertige passe. Elle pivota de nouveau et sourit à Catherine.

— Vertige ? Demanda cette dernière.

Dawn opina.

— Ça m'arrive souvent en ce moment, ajouta-t-elle.

Madame Condover murmura un petit « je vois » avant d'ouvrir la porte.

Dawn fut inondée par la lumière de fin de matinée. Cette porte aux vitraux menait aux jardins derrière l'ancien manoir. Elle s'avança. Il y avait quelques tables en bois placées sur une surface de gravier blanc et une grande étendue de gazon aussi vert et bien tondu que celui du chemin qui menait au lycée. Ces deux espaces étaient séparés par un petit muret en grès, de la même couleur que le lycée. Un peu plus loin se dressait une haie de hêtres.

— Voilà ce qu'il y a derrière la porte aux vitraux. Si on va à gauche, on va tomber sur le terrain de basket, le gymnase, la piscine et le réfectoire. Derrière les hêtres, il y a un terrain pour le foot et le rugby et une piste d'athlétisme.

Puis, Condover jeta un coup d’œil sur sa montre.

— Tu devrais filer au secrétariat pour récupérer ton emploi du temps et ta clé pour l'internat. Les cours de la matinée vont bientôt se terminer, tu auras peut-être la chance de croiser ta camarade de chambre. Ce serait dommage que tu manges seule.

Condover sourit une dernière fois avant de repartir.

Dawn se trouvait dans l'entrée du secrétariat. Une femme plus petite qu'elle, rondouillarde et aux cheveux courts vint à elle.

— C'est pour quoi ? demanda-t-elle.

— Je viens chercher mon emploi du temps, répondit l'adolescente.

La femme l'entraîna au fond de la pièce. Elle s'installa à un des bureaux en open space et pianota sur le clavier de son ordinateur. La lumière de l'écran se reflétait dans ses lunettes rectangulaires. Dawn pouvait voir les onglets s'ouvrir et des listes s'afficher.

— Votre nom, s'il vous plaît.

— Dawn O'Neal.

Nouveau bruit de touches.

La secrétaire plissa le nez pour faire remonter ses lunettes.

— Alors... vous aviez demandé une spécialisation en musique, c'est ça ?

— Oui, confirma Dawn.

La femme cliqua et l'imprimante à côté d'elle démarra dans un vrombissement. Un tableau coloré s'imprimait sur une feuille. L'impression terminée, la secrétaire s'empara du papier et le tendit à la jeune fille.

— Voici votre emploi du temps.

Dawn parcourut la feuille du regard, à la recherche de sa classe. Elle fronça les sourcils.

— C'est normal qu'il n'y ait pas ma classe d'indiquée ?

— Vous n'êtes que quinze élèves à être en dernière année donc une seule classe est nécessaire. Votre professeur référent est Monsieur Franco. C'est lui qui représente votre classe pendant le conseil des professeurs à la fin de chaque trimestre.

La jeune fille chercha son nom dans le tableau. C'était un professeur d'histoire.

La secrétaire déposa une petite clé argentée et une carte blanche grande comme une carte de crédit devant elle. La clé était gravée d'un numéro trois sur le côté pile et des armoiries du lycée sur le côté face. Elles figuraient sur la carte également.

— La clé, c'est pour votre chambre. Vous êtes dans la numéro trois. Si vous la perdez ou si on vous la vole, il faut nous prévenir le plus rapidement possible pour qu'on puisse vous prêter un double le temps de régler le problème.

La secrétaire regarda Dawn par-dessus ses lunettes. La jeune fille hocha la tête en guise d'approbation.

— Et la carte c'est pour le réfectoire, compléta la secrétaire d'une voix lasse. Comme pour la clé, si vous perdez la carte ou qu'on vous la vole, prévenez-nous.

— D'accord.

La petite femme composa un numéro au téléphone. Elle demanda à quelqu'un de venir. Une poignée de secondes plus tard, Monsieur Johnson fit son entrée. Il sourit à la jeune fille.

— David va vous raccompagner jusque dans votre chambre.

Dawn se leva, se dirigea vers Monsieur Johnson puis se ravisa. Elle s'adressa une dernière fois à la secrétaire.

— Vous avez oublié de me donner un uniforme.

La secrétaire ricana.

— Il n'y en a pas. Madame Condover ne voulait pas s'encombrer de ça et elle pense que la personnalité s'exprime d'abord par le style vestimentaire. Elle dit que c'est bon pour la créativité.

La jeune fille haussa les épaules et prit congé. Elle finit par rejoindre Monsieur Johnson.

Ils gravirent les escaliers jusqu'au deuxième étage où se trouvait l'internat. Monsieur Johnson donna quelques explications.

— L'internat pour les filles se trouve à gauche et celui des garçons est à droite. Les filles n'ont pas le droit de pénétrer dans la partie réservée aux garçons et vice-versa.

Ils allèrent donc à gauche.

La chambre numéro trois était la deuxième porte à gauche. Elle donnait sur la cours à l'avant du lycée. Monsieur Johnson ouvrit la porte, sourit et s'exclama :

— Et voici !

Il laissa Dawn à l'entrée de sa chambre. Elle fit un pas et découvrit la chambre qu'elle allait partager avec une inconnue. Pas très spacieuse mais lumineuse et fonctionnelle. Parquet vernis, murs blancs et plafond en mansarde. Un lit simple de chaque côté de la pièce, une grande fenêtre entre les lits. Il y avait une table de nuit avec une lampe de chevet et un réveil à côté de chaque lit. Sa valise était posée au pied du lit qui se trouvait à sa droite et sa guitare avait été couchée dessus. Un bureau était disposé entre le lit de gauche et la porte d'entrée. Une grande armoire lui faisait face de l'autre côté de la pièce.

Dawn referma la porte et ouvrit une deuxième porte qui se trouvait à côté de l'armoire. Elle se retrouva dans une petite salle de bains. Elle fit une moue impressionnée.

Elle revint dans la chambre et s'avança vers ce qui était probablement son lit. Elle se laissa tomber, les mains molles et encombrées de ses nouvelles affaires. Elle soupira.

Pour le moment, tout se passait bien. Le cadre était exceptionnel. Elle allait pouvoir se sentir bien dans toute cette nature verdoyante. Le lycée était bien entretenu, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. Le personnel qu'elle avait rencontré avait été sympathique.

Mais il y avait néanmoins un arrière-goût de peur et d'appréhension. Dawn avait l'impression d'être prisonnière. Comme si elle était rentrée dans un piège et qu'elle ne pourrait plus jamais en sortir. Comme si ce manoir renfermait des secrets.

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